Commencer une prise en charge en orthophonie : arbre décisionnel
Jeune orthophoniste, il m’est arrivé très souvent de ne pas savoir si je devais commencer une prise en charge orthophonique et même pire, de commencer une prise en charge et d’arrêter quelques séances plus tard. Sur quels critères je pourrais m’appuyer afin d’éviter de me tromper lorsque je décide de prendre un patient en charge ? Difficile de rester dans l’indécision, alors un travail de réflexion s’imposait ! Comme disait une de mes anciennes maîtresses de stage : « il faut savoir ce qu’on fait et pourquoi on le fait ». J’ai donc eu l’idée de créer un schéma sur le modèle de l’arbre décisionnel afin de m’aider à mieux comprendre les multiples facteurs (parfois très concrets) qui entrent en ligne de compte dans la décision de commencer une prise en charge en orthophonie.
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La plainte
Le patient appelle-t-il lui-même, est-ce sa famille qui appelle et pourquoi ? La plainte est-elle pertinente par rapport à l’exercice de l’orthophonie ? Il me semble que cette dernière question est loin d’être résolue et que les réponses qui lui sont apportées dépendent de la pratique de chaque orthophoniste. Par exemple, il m’est arrivé, lorsque j’étais stagiaire en cabinet libéral, de répondre spontanément à une personne au téléphone par la négative à sa demande : elle appelait pour la correction de son accent étranger. J’ai ensuite appris que cette « prise en charge » peut être réalisée par les orthophonistes, même si le patient ne peut pas être remboursé par la sécurité sociale. Dans tous les cas, la première chose que devra faire un orthophoniste quand il a un futur patient éventuel au téléphone pour la première fois, c’est d’être capable de relever ce qui selon lui relève de sa propre pratique orthophonique.
La formation de l’orthophoniste
La nomenclature des orthophonistes est très vaste et tend à le devenir de plus en plus (tant mieux !), mais le revers de la médaille est que les orthophonistes ne peuvent pas être formés dans tous les domaines ni aimer tous les types de prises en charge d’ailleurs. Cependant, avec les listes d’attente qui s’allongent en libéral, difficile de refuser les patients qui attendent une place. Si on a la chance de travailler avec des collègues qui s’y connaissent mieux que nous dans une pathologie particulière et surtout si on ne se sent pas la force de prendre un patient pour lequel on sait qu’on ne sera pas d’une grande aide, il ne faudra pas hésiter à orienter le patient vers des collègues plus compétents, à moins que ce nouveau patient ne soit l’occasion de se former dans une pathologie qu’on n’avait pas eu l’occasion de connaître jusqu’alors. Il faut essayer d’être au plus juste avec soi-même et le futur patient afin d’accepter ou non sa demande en fonction de nos compétences, de notre propre motivation et des collègues disponibles autour de nous.
L’acceptation des contraintes liées à une éventuelle prise en charge orthophonique
Avant de recevoir le patient pour un bilan, l’orthophoniste a intérêt à s’assurer que le patient a une prescription médicale (si ce n’est pas déjà fait) et qu’il est d’accord avec les jours et les horaires disponibles pour le bilan et la prise en charge si nécessaire, ainsi que les autres contraintes liées à la prise en charge (durée, présence, ponctualité, etc). Dans le cas contraire, on ne pourra pas recevoir le patient pour un bilan orthophonique dans de bonnes conditions.
Les résultats du bilan orthophonique
Le plus simple, c’est lorsqu’on a pu faire passer des tests standardisés au patient, que les résultats sont pathologiques et que le patient est motivé par la prise en charge. Là, il n’y a plus trop de questions à se poser, la prise en charge orthophonique peut commencer ! Mais lorsque les tests standardisés ont été impossibles à réaliser ou lorsque ceux-ci ne sont pas pathologiques, il faut creuser un peu plus, car cela ne voudra pas forcément dire qu’on ne prendra pas le patient en charge.
La motivation du patient et de l’entourage
Le patient et/ou son entourage ressentent-ils une gêne importante au quotidien malgré l’absence de scores pathologiques ? L’état du patient est-il susceptible de se dégrader (par exemple si le patient est évalué à un stade de déficit cognitif léger) ? Si oui, il faut selon moi commencer une prise en charge. L’entourage seulement est motivé mais pas le patient ? Dans ce cas, il me semble que l’on peut proposer des séances au patient en présence de l’entourage, et si le patient refuse toujours ou se montre non investi alors que l’entourage l’est toujours, on pourra faire des séances avec l’entourage seul afin de lui donner des conseils qui aideront le patient à mieux communiquer au quotidien. Et si le patient est peu motivé ? J’aurais tendance à proposer un essai de prise en charge sur trois mois, puis à réévaluer sa motivation à l’issue de cet essai afin de décider si on continue ou si on arrête les séances. C’est donc pour moi la motivation du patient et/ou de l’entourage qui compte le plus dans ma décision de proposer des séances d’orthophonie.
Fiche pratique téléchargeable
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Une question encore plus importante est celle de l’arrêt de la prise en charge. Je prendrai le temps d’y réfléchir et je vous présenterai mes cogitations orthophoniques dans un futur article !
J’espère que cet arbre décisionnel vous aura aidé vous aussi à mieux commencer vos prises en charge orthophoniques. Je pense d’ailleurs que ma proposition évoluera au fil de ma pratique. N’hésitez pas à faire des remarques en laissant un commentaire.
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Bonjour! Merci pour ce blog. Je suis orthophoniste et je souhaite élaborer également un arbre décisionnel. Je voudrais savoir si tu as réussi à faire ce magnifique arbre avec word. Merci d’avance pour la réponse!
Bonjour, merci pour cet article. Sur quelles données vous êtes-vous basée pour établir certains éléments quantifiés de votre arbre décisionnel (ex. La durée de trois mois ou le travail avec l’entourage malgré l’absence de motivation du patient) ? Merci et bonne journée.
Bonjour, les éléments chiffrés de mon arbre décisionnel sont subjectifs bien sûr et peuvent être modifiés en fonction de la pratique de chacun. En ce qui concerne la durée de 3 mois, c’est la base sur laquelle je me suis fixée et qui me semble juste pour faire un essai de prise en charge, l’important me semble-t-il étant de garder à l’esprit qu’il faudra décider de continuer ou non la thérapie après ces quelques séances, afin de ne pas s’éterniser si le patient n’est toujours pas motivé. D’autre part, je me suis inspirée de la thérapie écosystémique proposée par Thierry Rousseau pour justifier le travail avec l’entourage du patient (surtout s’il n’est pas motivé). Je pense que laisser la famille assister aux séances au début d’une PEC peut aider le patient à mieux accepter les séances, et sinon le travail avec la famille seulement fait aussi partie de notre métier. Bien à vous, Raphaëlle (Labortho)
Article très intéressant même si pour moi la question du démarra d’une prise en charge est plus claire que celle de l’arrêt ;)) A bientôt donc pour d’autres éléments de réflexion ! Et merci