Pleine conscience : moins de stress, plus de créativité

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Comment la pratique de la méditation de pleine conscience développe-t-elle l’esprit créatif ?

Cet article est issu de mon expérience personnelle du programme « Mindfulness Based Stress Reduction » (MBSR) de méditation de pleine conscience élaboré par le docteur Jon Kabat-Zinn.

Lorsqu’on est en état de stress, nous sommes à l’opposé d’un état d’esprit flexible et créatif. On se crée des films dans lesquels on est prisonnier d’un état mental négatif (ruminations mentales, émotions douloureuses, projections dans l’avenir…). Le pire est que le mental croit dur comme fer aux illusions qu’il échafaude. Le stress est une paralysie de l’esprit, car il nous fait croire qu’on ne pourra pas être à la hauteur de la situation, qu’on ne saura pas y faire face. Le stress réduit notre champ de vision et notre champ d’action, il nous fait réagir de manière précipitée, beaucoup moins créative. Lorsqu’il est chronique, le stress nous rend prisonniers de nos états mentaux. On perd notre capacité à être présent dans l’instant, à s’adapter au plus juste dans notre vie. Avec le stress, l’esprit se rigidifie.

Que faire ? La méditation de pleine conscience, expliquée par le psychiatre Christophe André, nous donne des outils concrets pour nous aider à développer un état d’esprit plus apte à s’adapter sans crainte au moment présent, un état d’esprit plus souple et plus créatif. Ici, la créativité est envisagée comme la capacité générale à trouver des solutions aux problèmes du quotidien (préparer un repas, rédiger un compte-rendu, résoudre un conflit…) dans un état d’esprit ouvert et réceptif.

 

1- Cultiver les bonnes attitudes mentales

La pleine conscience nous invite à cultiver 7 attitudes mentales de base pour se libérer du stress : le non-jugement, la patience, l’esprit du débutant, la confiance, le non-effort, l’acceptation et le lâcher-prise. Toutes ces attitudes ont en commun une chose : ne pas se situer dans le « faire » mais dans l’ « être ». Arrêtons de vouloir que les choses soient autrement qu’elles ne sont. Acceptons ce qui est, même les choses qui nous paraissent négatives. Accueillons-les, et observons-les sans porter de jugement, avec la curiosité bienveillante d’un enfant. Le « secret » est de ne pas réagir tout de suite à un stimulus négatif, mais de laisser un espace entre le stimulus négatif et la réponse que nous ferons. D’autres attitudes mentales « affectives », à savoir la bienveillance, l’empathie, la douceur et la générosité, nous permettront peu à peu de trouver des solutions et d’agir en pleine conscience, sans nous laisser submerger par le stress.

 

2- S’ancrer dans la respiration

La pleine conscience nous apprend que la flexibilité de l’esprit a pour fondement un ancrage dans le ressenti corporel au moment présent. L’attention quotidienne à la respiration pendant plusieurs minutes est très utile pour se recentrer dans l’instant présent. Ce n’est pas contradictoire car en favorisant la construction d’un refuge (disponible à tout moment !) dans la respiration et les sensations, la pleine conscience nous permet de rester disponible à tout instant pour mieux accueillir ce qui arrive. On prend alors conscience que rien ne dure : les sensations, même douloureuses, vont et viennent dans le temps, avec plus ou moins d’intensité. Tout est éphémère. Une démangeaison survient, on l’observe pendant quelque temps, puis elle disparaît. De même, une pensée émerge, nous pouvons suivre son cours, puis elle se dissipe, avant qu’une autre pensée ne surgisse. La vraie réalité se situe dans l’impermanence : tout change, à tout instant. On apprend à ne pas s’accrocher à nos pensées et à nos émotions.Tout est mouvement, alors nous comprenons que la situation stressante changera forcément et nous pourrons trouver une solution au bon moment.

 

3- Sortir du cadre : l’exercice des 9 points

La pleine conscience nous apprend à quel point nous sommes prisonniers de schémas de pensée automatiques faisant obstacle à la créativité. Pour illustrer cette réalité, essayons de résoudre le problème suivant : il s’agit de relier 9 points par 4 lignes droites, sans soulever le crayon ou la feuille et sans passer deux fois sur la même ligne. Cette tâche d’apparence facile est échouée la plupart du temps. Sans donner la réponse, réussir cette tâche nécessite de sortir du cadre suggéré par le dessin… La plupart du temps, nous rajoutons en effet un « cadre » sur les 9 points, pourtant absent dans le dessin initial. Le fait de ne pas parvenir à résoudre cet exercice est révélateur de notre incapacité plus générale à sortir de schémas de pensée automatiques dont nous n’avons même pas conscience. Notre mental est très souvent prisonnier d’un univers qu’il se crée lui-même. Lorsqu’on est envahi par le stress, on croit qu’il n’y a pas de solution, alors que la solution existe en dehors du cadre établi. Pour être créatifs, prenons conscience de nos schémas de pensée automatiques afin de pouvoir sortir des sentiers battus !

 

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4-Déjouer le pilote automatique

Dans le programme de méditation de pleine conscience, nous apprenons comment fonctionne le « pilote automatique » de l’esprit, afin de mieux le reconnaître et de favoriser les occasions de s’en libérer. Face au stress, le corps a prévu trois réactions automatiques : le combat (attitude agressive), la fuite (attitude d’évitement) et la réaction de stupeur (inhibition de toute action, timidité…).

Ces réactions instinctives ont pour base neurobiologique l’activation du système nerveux sympathique et de la chaîne « hypotalamus-hypophyse-glandes surrénales », du moins pour le combat ou la fuite. Les glandes surrénales produisent de l’adrénaline et du cortisol qui inhibent l’activation de l’hippocampe et du cortex préfrontal. Ce dernier ne peut plus jouer son rôle de régulateur et les émotions s’emballent, ce qui nous fait dire des choses que nous regrettons une fois la tempête émotionnelle apaisée. Que le danger provienne d’une bête sauvage ou d’une pensée négative, le corps ne fait pas la différence et réagit de la même manière : une réaction de stress. Il a même été prouvé que les problèmes émotionnels peuvent faire « autant de mal qu’un problème physique, dans la mesure où les douleurs psychologiques et les douleurs physiques dépendent en grande partie des mêmes réseaux neuronaux », d’après le neurologue Rick Hanson et le docteur Richard Mendius (Le cerveau de Bouddha).

Il faut bien comprendre que la pleine conscience ne consiste pas à chasser les émotions négatives mais à les accueillir sans les fuir, ni les combattre, ni rester incapable d’agir. La pleine conscience ne détruit pas les émotions négatives, elle nous apprend à leur faire de la place. Toute la subtilité de la pleine conscience est qu’on peut ressentir de la peur sans pour autant réagir avec de la peur. La peur ne prendra plus possession de nous au point de la laisser agir à notre place, car nous saurons l’observer sans y réagir avec le pilote automatique. Rester centré, en contact avec sa respiration et ses sensations, permet de garder le contact avec soi-même. Nous pouvons par exemple prendre conscience d’une pensée que nous ressassons depuis plusieurs minutes de manière inconsciente, détendre nos épaules et passer à autre chose, l’esprit libéré. Nous pouvons aussi mieux adapter notre répondre à une situation délicate conformément à nos valeurs profondes, sans céder à la peur ou à un désir irrépressible.

 

5- Communiquer en pleine conscience

Dans une situation de danger réel, les réactions automatiques de combat, de fuite ou d’inhibition ont un sens, car elles favorisent la survie de l’individu. Mais dans notre monde « civilisé » actuel, ces réactions sont le plus souvent démesurées et ont pour effet de nous couper de la communication avec nous-mêmes et autrui.

La pleine conscience nous apprend comment changer notre manière de communiquer avec autrui, afin qu’elle soit plus authentique, efficace et créative. Il faut veiller à être attentif à notre expérience intérieure lorsque nous sommes en situation d’échanger avec les autres. Une attention toute particulière est portée envers la prise de conscience des signaux non-verbaux de l’interlocuteur (posture, mimiques, gestes). Enfin, lors de situations d’échanges stressantes, la méditation nous apprend à exprimer nos sentiments sans violence et sans réagir par la peur, tout en restant en contact avec nos ressentis. Une communication efficace en pleine conscience nous permet de pratiquer l’assertivité, qui est la capacité très appréciée d’exprimer ses propres besoins consciemment, sans agressivité et sans jugement, en respectant soi-même et autrui.

 

6- S’arrêter et s’écouter

La pleine conscience nous apprend à la fois à écouter, à distinguer et à connecter nos sensations, nos émotions et nos pensées. Plusieurs fois par jour, le méditant est invité à prendre des temps d’arrêt dans ses activités quotidiennes. Ces temps d’arrêt peuvent être provoqués intentionnellement par une alarme électronique sur notre téléphone, plusieurs fois par jour. Nous devons alors répondre à la question suivante : « Comment suis-je dans mon corps et mon esprit, maintenant ? ». Grâce à ces « stops », nous nous confrontons à nos états mentaux de stress et d’anxiété, nous les observons en profondeur, et nous notons les sensations et les émotions qui y sont associées. Le but sera de mieux comprendre les raisons sous-tendant l’anxiété et de prendre conscience de la réalité transitoire de nos états mentaux. S’ensuit la possibilité de se libérer des histoires créées par notre mental et de changer peu à peu notre état d’esprit, pour répondre aux situations de la vie de manière plus consciente et créative.

 

7-Identifier les pièges de l’esprit

Le chemin qui mène à la pensée créative est semé d’embûches enracinées au plus profond de nous-mêmes. La pleine conscience nous apprend à reconnaître les types de pensées négatives les plus fréquentes qui viennent bloquer la connaissance éclairée des situations que nous vivons. Les principaux pièges de l’esprit sont la pensée auto-critique (comme « je suis nul », « je suis idiot »), la dramatisation des problèmes, la conviction d’avoir toujours raison, et le rejet de la faute sur autrui. La pleine conscience nous invite à considérer que c’est la manière d’interpréter les événements qui nous emprisonne dans le stress. Reconnaître la présence de l’une de ces pensées négatives au moment où elle survient fait partie de la pleine conscience : cette pratique nous invite à nous accorder davantage de bienveillance envers nous-mêmes et à nous demander comment nous pourrions envisager la situation d’une manière différente.

 

8- Élargir sa conscience

L’esprit créatif est un esprit ouvert. Il est capable de prendre conscience de tout ce qui arrive, sans écarter quoi que ce soit. Souvent, la créativité découle de l’attention portée à des détails qui sont insignifiants pour les autres. Dans le programme de méditation de pleine conscience, on apprend progressivement à porter son attention sur des objets éloignés de nous-mêmes. L’étape finale du programme est la « méditation sans objet », qui inclut en réalité tout ce qui a été vu précédemment : l’attention à la respiration, aux sensations corporelles, aux émotions, aux pensées, aux sons, à la présence de l’air autour de nous… La méditation sans objet est la porte qui nous permet de sortir de tout cadre, de se libérer de toute identification à nous-mêmes ou aux objets. La conscience s’élargit pour inclure tout ce qui existe. Si on le souhaite, on peut bien entendu circonscrire à nouveau l’attention sur un objet particulier. La pleine conscience nous permet d’explorer la flexibilité de l’esprit, en nous apprenant à élargir ou à réduire notre fenêtre attentionnelle en fonction des différentes situations que nous vivons. Comme l’explique très bien Stéphane Offort, la pleine conscience nous ouvre à une « attention ouverte », dans laquelle nous vivons dans un état de créativité constante.




 

Comment pratiquer la méditation de pleine conscience ?

 

Pour obtenir des effets à long terme sur la flexibilité de l’esprit, la pleine conscience s’inscrit dans une pratique quotidienne. L’objectif est de rendre l’esprit attentif au moment présent, instant après instant, ce qui est extrêmement difficile. La pratique est de 45 minutes par jour pour les exercices formels (pratique du « scan corporel », du yoga allongé ou debout en suivant les instruction d’un CD). Des exercices informels viennent peu à peu prendre davantage de place dans la pratique quotidienne : repas en pleine conscience, marche méditative, attention à la respiration, en fonction de nos préférences.

Au fil des séances, chaque stagiaire pratique les exercices qui lui conviennent le mieux. Un classeur reprenant les bases théoriques et pratiques est fourni aux stagiaires, ce qui leur permet d’écrire leurs ressentis après chaque exercice. A mon avis, la prise de notes est un outil efficace pour développer la conscience de nos états mentaux, même si elle prend un peu de temps.

Pour rester motivé pendant les huit semaines du programme, mais aussi pour échanger avec les autres stagiaires pendant les sessions de pleine conscience, je recommande de s’inscrire à un cycle de méditation (laïque mais inspirée du bouddhisme et du yoga) de type MBSR, par exemple ici.

 

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5 commentaires sur “Pleine conscience : moins de stress, plus de créativité

  1. Lea Cecco

    Bonjour, nous réalisons un mémoire sur la metacognition en séance de logopédie avec une amie e notamment le lien entre metacognition et pleine conscience.
    Serait-il possible de vous citer? Si oui comment le faire? Je n’arrive pas à trouver un moyen pour vous contacter en privé. Merci!
    Lea

  2. vulpi

    Bonjour Raphaëlle et merci pour cet article qui me parle ! Peux-tu m’en dire plus sur comment tu as mis en place ce programme ? (en mp si tu préfères) . Merci

    • Bonjour,

      Je me suis inscrite au programme MBSR à titre personnel. Je pratique la pleine conscience pour moi, pas avec mes patients car je ne suis pas formée pour être instructeur MBSR. Néanmoins, je propose à certains patients des exercices issus du yoga (attention à la respiration par exemple) et que j’ai appris lors de la formation « Yoga et démences ». Tu peux trouver le lien de cette formation ici http://www.ortho-yoga.com/index.html. J’ai répondu à ta question ? Bien à toi, Raphaëlle

  3. Delbos

    Merci beaucoup pour cet article de grande qualité !!j adhère à la pleine conscience.. C’est une sorte d’hygiène mentale à laquelle il est très bénéfique de s’astreindre.. qui demande de la vigilance mais dont les effets sont très bénéfiques pour soi et pour les autres !!!
    Nathalie

  4. Folliet

    Merci pour cet article.
    J’ai aussi participé à un programme MBSR que j’applique, autant que possible,dans mes vies professionnelle et personnelle.
    On en parle de plus en plus dans notre métier. C’est Jeanne Siaud-Facchin qui préconise la méditation de la pleine conscience pour les enfants et les ados.
    Je continuerai à vous lire avec plaisir.
    Pascale

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